L’épreuve de la Fédérale 2 a été longue et difficile pour le R3CA. Mais le groupe en sort grandit, et avec une expérience sans égale. Nul doute que la montée sera dans tous les viseurs pour la saison prochaine.Interview de Thierry Faure & William Masseboeuf
Monsieur le président quel est votre parcours ?
Je suis un ancien footballeur et à l’époque j’étais gardien de but. J’avais beaucoup de copains qui jouaient au rugby, ils m’ont converti au rugby. J’ai joué pendant plusieurs années à l’ASPTT d’abord en tant qu’arrière puis au fur et à mesure je suis devenu talonneur. Par la suite, j’ai pris la présidence de l’ASPTT pendant cinq ans. Malheureusement nous avons arrêté a cause d’un manque de joueurs. Pendant 10 ans je me suis occupé de mes enfants puis je suis venu au club de Cournon d’Auvergne car j’y ai deux amis : Éric Lecomte et Patrick Ladouce. Ils m’ont demandé de venir pour leur donner un coup de main à condition que je ne m’occupe pas du coté sportif. J’ai donc géré tout ce qui concerne les partenariats.
À la fin de cette première année, le club a souhaité que je prenne la présidence du club avec l’appui de Jacques Pineau et en relation avec l’ancien président Roger Chany, qui est maintenant vice-président. Cela fait maintenant deux ans que je suis président du club. J’ai également une entreprise de 40 salariés et le club fonctionne comme une entreprise. La différence avec une entreprise c’est qu’au sein du club, nous avons des bénévoles et nous essayons de les valoriser au maximum car sans eux le club ne fonctionnerait pas. Le club de Cournon d’Auvergne est voué à se développer car il y a une bonne équipe, dynamique, nous savons exactement où nous voulons aller et on sait que l’on peut le faire. Mais nous n’irons pas au-delà de ce que l’on peut faire car économiquement ça sera très difficile. Le plus compliqué est de faire venir des partenaires dans un club.
Certains disent que le président est un homme à tout faire, êtes-vous d’accord avec ça ?
Je ne suis pas forcément d’accord avec le terme employé mais il faut bien évidemment tout regarder, comme dans une entreprise. Je suis une personne qui délègue beaucoup et qui supervise. Je ne m’occupe pas du sportif, voire même très peu, j’écoute beaucoup et si j’ai quelque chose à dire je le dis.
Vous dirigez à la fois une entreprise et un club de rugby en Fédérale 2, comment vous arrivez à gérer tout ça ?
Je ne compte jamais mon temps, je suis quelqu’un qui se lève tôt et qui se couche tard. Quand je fais quelque chose, que ce soit dans mon entreprise, dans mes loisirs ou même au club, je le fais jusqu’au bout. Cependant je sais que je ne suis que de passage et je ne serai pas au club pendant dix ans. J’aime ce club, j’ai envie de faire de belles choses ici mais il faut savoir passer la main.
Pour vous, ce serait une réussite de partir du club en ayant pérennisé le club en Fédérale 2 ?
Oui c’est mon souhait mais c’est aussi celui de tout le monde au sein du club. Nous avons la volonté, avec tout le club ainsi que le maire de Cournon d’Auvergne et de Clermont-Ferrand, de faire de ce club le premier club amateur derrière l’ASM. Ils nous donnent les moyens, la municipalité de la ville nous aide énormément et nous avons un maire qui est à fond derrière ce club. Si un jour, le club a la possibilité de monter en Fédérale 1 alors nous le ferons.
On le voit dans l’actualité sportive, un bon président fait un bon club. Qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est un peu réducteur de dire ça, je ne pense pas que ce soit le président qui fait le club. On peut avoir le meilleur président mais si rien ne suit derrière, le club ne sera pas bon. Un club pour qu’il fonctionne bien c’est tout un ensemble. La base c’est les joueurs, l’encadrement mais aussi l’école de rugby ainsi que les bénévoles. Il y aussi l’ambiance au sein du club, l’image du club dépend aussi de l’image du président. On entend beaucoup parler sur le fait qu’il y a énormément d’étrangers dans les clubs de rugby, que ce soit en TOP14 jusqu’au niveau Fédéral.
Quel regard vous avez sur le rugby français à l’heure actuelle ?
Aujourd’hui, le rugby est devenu un sport de spectacle, les gens viennent au stade pour voir un show. L’attrait de notre sport est de voir des beaux matchs. Lorsqu’il y a également de bons joueurs au sein de notre championnat, cela fait rêver. Mais sportivement, cela ne fait pas rêver car plus il y a de joueurs étrangers dans le TOP14, moins il y a de français. Ce qui me chagrine le plus, c’est lorsqu’on regarde la composition des équipes espoirs : par le passé dans ces équipes il y avait beaucoup de jeunes du cru ou de la région alors que maintenant on va chercher des joueurs étrangers. À la fin, ces équipes se retrouvent avec deux joueurs français seulement au sein de leur effectif. À Cournon d’Auvergne, notre mission principale est la formation de jeunes joueurs issus du club. Ma plus grande satisfaction est de savoir que pratiquement toute notre ligne d’arrière est composée de joueurs formés ici au club.
On s’aperçoit qu’il y a un fossé entre chaque division…
Il faut savoir que le budget est lié en grande partie aux collectivités locales. Cournon d’Auvergne fait partie des villes sportives et dynamiques qui jouent le jeu au niveau budgétaire, cependant cela reste compliqué. Au sein du club nous avons des infrastructures qui sont au top par rapport à certaines villes et même certains clubs avec des budgets supérieurs au nôtre. Le développement est lié aussi aux partenaires. Sur la ville, il y a 66 associations et il faut, à juste titre, diviser les subventions car elles évoluent comme c’est le cas pour le football et le BMX. Nous avons un stade qui est de qualité, digne de certains clubs de Fédérale 1. Et puis, l’évolution du rugby en Fédérale 2 fait qu’il y a de plus en plus de joueurs étrangers notamment des fidjiens, des géorgiens, des bulgares. Dans beaucoup d’équipes il y a environs 5 joueurs étrangers alors qu’avec le club d’Issoire, nous sommes les deux seuls clubs à ne pas avoir de joueurs étrangers dans notre équipe.
Vous dites qu’il y a deux championnats en un seul, c’est en partie lié au budget ?
Le budget fait la différence, nous avons un petit budget alors que d’autres clubs ont un budget qui est deux fois supérieur au nôtre. On ne joue pas dans la même cour. Après il faut prendre en compte que certaines équipes viennent de Fédérale 1.
Ce sont des joueurs qui coûtent chers où c’est une volonté de votre part de former des joueurs français ?
Nous n’avons pas le budget pour faire venir ce genre de joueur et notre but est de faire évoluer les jeunes joueurs du club. Nous avons deux équipes cadet, deux équipes de moins de 16 ans et deux équipes de moins de 18 ans qui sont au plus haut niveau dans leur championnat. Nous misons sur cette formation, notamment par rapport au projet de jeu, au projet du club. Nous avons actuellement des joueurs qui sont issus de la formation du club de Cournon et qui sont en équipe première. C’est une grande satisfaction pour le club, ce sont nos ambassadeurs pour l’école de rugby. C’est très important pour nous car cela permet à un jeune joueur de s’identifier à eux et de lui permettre de rêver et, pourquoi pas un jour, de faire partie de l’équipe première.
Parlons un peu des jeunes, vous avez combien de licenciés au sein du club ?
Nous avons environ 324 licenciés pour l’école de rugby, notre but c’est de vraiment travailler sur la formation. Pour cela, on fait beaucoup d’échanges avec l’ASM, des entraînements en commun. Parfois nous avons des jeunes qui vont à l’ASM sous forme de tutorat, d’autres partent pour deux années ou bien signent définitivement à l’ASM, pour qu’ils puissent évoluer à leur meilleur niveau. On fait également des échanges avec le club des Martres-de-Veyre. Nous avons créé un centre d’entraînement qui permet aux jeunes de travailler leur technique individuel, sous forme de « skill » (ndlr : compétences), il y des entraînements pour le jeu au pied également.
Aujourd’hui dans le monde du rugby, on voit de plus en plus de commotions cérébrales, est-ce que vous, au niveau Fédéral, c’est quelque chose de courant ?
Oui il faut reconnaître qu’au niveau du jeu c’est très physique et ça tape fort. Surtout au niveau de l’impact physique où c’est très violent. Je pense qu’à un moment donné les instances fédérales doivent se poser les bonnes questions pour arrêter ça. Je pense qu’un jour il y aura, malheureusement, plus que des blessures.
Est-ce qu’il y a un suivi après ses commotions à votre niveau ?
Oui bien sûr ! Nous avons un service de kiné qui est disponible au club. De plus, les kinés sont en relation avec un staff médical. Selon vous, faut-il arrêter certaines percussions ? Oui, à l’époque à l’école de rugby nous apprenions à percuter du bas vers le haut alors qu’aujourd’hui, pour asseoir la personne en face, c’est l’inverse. Mais il y a aussi les plaquages qui sont hyper dangereux, notamment les plaquages au niveau des épaules ainsi qu’au niveau du sternum et cela engendre des traumatismes. Sur une seule journée de championnat en TOP 14, il y a minimum deux commotions cérébrales par équipe et cela fait beaucoup. Le rugby est devenu un sport de destruction où le but est de détruire et d’user la ligne adverse.
Crédits photos : Rugby de Cournon